Has vuelto

 

Poème d’Evaristo Carriego (1883-1912).

 

Has vuelto


Has vuelto, organillo.

En la acera hay risas.

Has vuelto llorón y cansado
como antes.
El ciego (1) te espera
las más de las noches sentado
a la puerta.

Calla y escucha.

Borrosas
memorias de cosas lejanas
evoca en silencio, de cosas
de cuando sus ojos tenían mañanas,
de cuando era joven... la novia...

¡quién sabe!

Alegrías, penas,

vividas en horas distantes. ¡

Qué suave

 se le pone el rostro cada vez

que suenas

 algún aire antiguo!

¡Recuerda y suspira!

 Has vuelto, organillo.

La gente modesta te mira

pasar, melancólicamente.
Pianito que cruzas la calle

cansado moliendo el eterno

familiar motivo que el año pasado
gemía a la luna de invierno:
con tu voz gangosa

dirás en la esquina

 la canción ingenua, la de siempre,

acaso esa preferida de nuestra vecina
la costurerita que dio aquel mal paso 
(2).

 

 

Y luego de un vals te irás

como una tristeza que cruza la calle desierta,
y habrá quien se quede mirando la luna
desde alguna puerta.

 

¡Adiós, alma nuestra!

parece que dicen las gentes

en cuanto te alejas.
¡Pianito del dulce motivo que mece
memorias queridas y viejas!
Anoche, después que te fuiste,
cuando todo el barrio volvía al sosiego
-qué triste-
lloraban los ojos del ciego.

 

Tu es de retour

 

Tu es de retour, petit orgue.

Sur le trottoir, il y a des rires.

Te revoilà pleurnicheur et fatigué

comme autrefois.

L’aveugle t’attend

presque chaque nuit, assis

à sa porte.

Il se tait et écoute.

Il évoque en silence

des souvenirs incertains de choses lointaines, de choses

de quand ses yeux avaient des matins

de quand il était jeune ... la fiancée ...

qui sait !

 

Des joies, des peines,

intenses dans ces temps anciens.

Quelle douceur

apparaît sur son visage à chaque fois

que tu entonnes

quelque air ancien ! 

Il se souvient et soupire !

 

Tu es de retour, petit orgue.

Les gens modestes te regardent

passer, avec mélancolie.

Boîte à musique qui traverses la rue, fatigué de mouliner le sempiternel

air familier qui, l'an passé,

a gémi sous la lune d'hiver :

d’une voix nasillarde,

tu diras au coin de la rue

ta chanson naïve, celle de toujours, 

et peut-être la préférée de notre voisine,

la petite couturière qui a fait 

son (dernier ?) faux pas.

 

Et après une valse, tu partiras

comme une tristesse par la rue déserte,

 

et quelqu'un restera regarder la lune

de quelque porte.

 

"Adieu, notre âme !"

semblent dire les gens

tandis que tu t’éloignes.

Boîte à musique au doux air qui balance

les chers vieux souvenirs !

La nuit dernière, après que tu es parti,

quand tout le quartier retournait au repos

-comme c’est triste !-

les yeux de l’aveugle pleuraient.

 

(1) Plus tard, en 1949, dans le texte du tango El último organitoHomero Manzi, fera allusion à ce poème, en écrivant : "y allí molerá tangos para que llore el ciego, el ciego inconsolable del verso de Carriego" (et là, il moulinera des tangos à faire pleurer l’aveugle, l’aveugle inconsolable du poème de Carriego).

(2) Dans El último organito encore, Homero Manzi parlera de la vecina muerta.

 

  Traduction François Benoist ©

 

 

   Voici Has vuelto dit par Martin Otaño, accompagné par Rubén Juárez au bandonéon.

 

 

 

 

 

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