Engrupida

Tango

Paroles et musique de Pedro Vergez.

Enregistrement de Roberto Firpo en 1926.

  

Engrupida

 

Donde termina Corrientes
tranquilamente vivía
la pebeta que un día viera
luces del centro brillar.
Y halagados los oídos
por el hombre que quería
resolvió un buen día
a sus viejitos dejar.

Ya llegaste a ser bacana,
ahora quién te engrupirá,
si hasta vergüenza te da
pararte a saludarme,
cada vez que me encontrás
hacés un mohín gracioso
ya no me llamás mi «coso» (3) ;
cuando me querías de verdad.

Ya no sos la muchachita
aquella de largas trencitas,
ahora usás melenita,
melenita a la garçon,
no tenés el corazón
como cuando eras pebeta
no cantás más La Violeta
pero aprendiste el Mom-hom.

Yo no te guardo rencor
por el mal que me has hecho
mas, te llevo dentro
del pecho
como reliquia de amor.
Las farras te enloquecieron
y las luces te marearon
mariposa vos has sido
pero tus alas se han ya quemado.

Trompée

 

Là où finit Corrientes (1),

elle vivait tranquille

la gosse qui, un jour, a vu

briller les lumières du centre-ville.

Et les oreilles flattées

par l'homme qu’elle voulait

a décidé un beau jour

de quitter ses chers parents.

 

Tu y es bien arrivée, à être une bacana (2),

et lui, il va alors t’abuser

au point de te faire honte

de t'arrêter pour me saluer,

chaque fois que tu me rencontres,

tu fais une curieuse grimace,

tu ne m'appelles plus « mon bombyx » (3) ;

comme quand tu m’aimais vraiment.

 

Non, tu n'es plus la gamine,

celle aux longues tresses,

maintenant tu apprêtes ta chevelure

-coiffure à la garçonne-,

tu n’as plus le même cœur

que lorsque tu étais gosse ;

tu ne chantes plus La Violeta (4)

mais tu as appris le Mom-home (5).

 

Je ne te garde pas rancune

pour le mal que tu m’as fait ;

mieux même, je te porte dans mon cœur

comme une relique d'amour.

Les fêtes t’ont rendue folle

et les lumières t’ont étourdie,

tu es devenue papillon

mais tes ailes se sont bel et bien brûlées.

 

(1) La Calle Corrientes, devenue Avenida Corrientes.

(2) Maîtresse d’un homme riche, femme entretenue ; on a gardé le terme lunfardo.

(3) Il s'agit du nom générique des papillons nocturnes de la famille des Cossidésen français, les zeuzères. On connaît, entre autres, el coso de los Sauces (la zeuzère des saules). Le nom du bombyx, de la même famille, sonne mieux que zeuzère !

(4) La Violeta : tango de 1929, la musique étant de Cátulo Castillo et les paroles de Nicolás OlivariLes paroles d’Engrupida, tango enregistré dès 1926 par Roberto Firpo, en version instrumentale, ont-elles été ajoutées par Pedro Vergez postérieuement à 1929 ?

(5) Doit-on entendre : la mère au foyer ? Cette qualification pour une bacana serait alors quelque peu ironique !

 

 Traduction François Benoist ©

 

 

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