Alejandra 

Tango de 1966 - Musique d’Aníbal Troilo - Texte d’Ernesto Sabato (1911 - 2011).

 

Quelques enregistrements :

  • Alberto Di Paulo, avec Reynaldo Martín ;
  • Franco Polimeni, avec Jacqueline Sigaut ;
  • Jorge Dragone, avec Héctor Mauré.

 

     Le texte d’Ernesto Sabato parle d’Alejandra, personnage du deuxième de ses trois romans : Sobre Héroes y Tumbas, publié en 1961 (titre de l'édition en français Héros et Tombes)Approfondissant le chemin initié par El Túnel (1948), ce roman explore les zones les plus sombres de l'âme. Il compte au nombre des meilleurs livres du XXème siècle...

 

Con una mano podría contar cuantas veces me he enamorado, ciertamente me sobrarían dedos, e imposible sería el negar que Alejandra es una de ellas.
Sur une seule main, je pourrais compter le nombre de fois où je suis tombé amoureux ; j’aurais certainement assez de doigts et il serait impossible de nier qu’Alexandra est l'une de ces femmes.

 

Alejandra


He vuelto a aquel banco del Parque Lezama (1).
Lo mismo que entonces se oye en la noche

la sorda sirena de un barco lejano.
Mis ojos nublados te buscan en vano.
Después de diez años he vuelto aquí (2) solo,
soñando aquel tiempo, oyendo aquel barco.

El tiempo y la lluvia, el viento y la muerte,

ya todo llevaron, ya nada dejaron.

¿En qué soledades
de hondos dolores,
en cuáles regiones (3)
de negros malvones
estás, Alejandra?
¿Por cuáles caminos,
con grave tristeza,
¡oh!, muerta princesa?

He vuelto a aquel banco del Parque Lezama.
Lo mismo que entonces se oye en la noche

la sorda sirena de un barco lejano.

Mis ojos nublados te buscan en vano.
Ahora, tan sólo, la bruma de otoño,

un viejo que duerme, las hojas caídas.
El tiempo y la lluvia, el viento y la muerte
ya todo llevaron, ya nada dejaron.

Alexandra

 

Je suis revenu au banc du Parc Lezama.

 

Celui d'où l'on entend maintenant, au loin 

dans la nuit, la sourde sirène d'un bateau.

 

Mes yeux embrumés te cherchent en vain.

Après dix ans, je suis revenu ici seul

 

et je rêve de ces temps anciens et j'entends ce bateau.

Le temps et la pluie, le vent et la mort,

 

ont déjà tout emporté, n’ont rien laissé.

 

Dans quelles solitudes

de douleurs immenses,

dans quelles contrées

de géraniums noirs

es-tu, Alexandra ?

Par quels chemins,

de profonde tristesse,

Oh ! princesse morte ?

 

Je suis revenu au banc du Parc Lezama.

 

Celui d'où l'on entend maintenant, au loin 

dans la nuit, la sourde sirène d'un bateau.

 

Mes yeux embrumés te cherchent en vain.

Aujourd'hui, juste le brouillard de l'automne,

un vieux qui dort, les feuilles tombées.

Le temps et la pluie, le vent et la mort,

ont déjà tout emporté, n’ont rien laissé.

 

 

Traduction François Benoist ©

 

(1) Parc de Buenos Aires, situé dans le quartier de San Telmo, à l'intersection des rues Defensa et Brasil.

(2) Variante : he vuelto a ti  (je suis revenu vers toi)

(3) Variante : en vagas regiones (en d'incertaines contrées)

 

     Dans son livre Musica y peosia del tango (2001), l'écrivain espagnol Antonio Pau décèle dans ce texte une particularité de structure, à savoir une succession de huit dodécasyllabes, huit hexasyllabes et de nouveau huit dodécasyllabes, ces vers étant peu usités dans la poésie hispanique.

 

 


 

Haut de page