L'écoute sensible de la musique

 

     A des danseurs qui découvrent le Tango argentin, faisons écouter un tango, tel que le célèbre Zorro Gris (musique de Rafael Tuegols, paroles de Francisco García Jiménez - ou Giménez -, édité en 1921 - voir texte), d'abord dans la version instrumentale d'Osvaldo Pugliese de 1969. Ils nous diront qu'il n'est pas possible de danser sur une telle musique, dont le tempo, l'intensité et l'expression changent à tout moment.

     C'est sûr, et notamment s'ils ont vu ce beau tango dansé par des professionnels, Florencia Zarate Castilla et Guido Palacios, en compétition) et que l'image du Tango qu'ils se font est celle, fort répandue, du Tango de scène ("Tango escenario"), avec ses développements spectaculaires. Là, c'est un art en soi... 

     Pour fixer les idées, disons que l'objectif de l'association Al  Tango Fuerte n'est pas d'aller dans cette direction (ce qui serait d'ailleurs bien présomptueux). Car c'est bien le Tango de bal (Tango de Salón) et plus particulièrement dans le style Villa Urquiza que, dans les ateliers qu'elle propose, l'association entend promouvoir. Style qui a ses exigences propres et représente également un art...

 

 

     Mais, revenant à nos débutants, ils pourront ressentir dès à présent le rythme, les variations de tempo, les mouvements mélodiques, les accents, les inflexions, les nuances et l'expressivité de cette musique, tout ce qui en fait la beauté.
  
    Nous pourrons alors proposer à ces danseurs, munis des éléments fondamentaux de la marche -y compris, pour chacun, une posture correcte et efficace et un bon équilibre, l'impulsion dans les déplacements (on y reviendra encore et encore...)-, d'effectuer librement, sur chaque phrase, les mouvements et les déplacements que la musique leur inspire. chacun seul, puis à deux (avec, de plus, une connexion entre les partenaires permettant une synchronisation des déplacements et un guidage clair).
 
     L'écoute d'autres versions du même thème, par exemple celle de l'orchestre d'Armando Pontier de 1957, induira chez nos danseurs en herbe des mouvements et  déplacements spontanés vraisemblablement différents.
 

 

     Ces mouvements seront, dans les deux cas, l'expression corporelle du ressenti personnel des danseurs à l'écoute de la musique. On voit que, si, dans la musique tout est question de ressenti, il s'agira bien, dans l'interprétation dansée, de transformer ce ressenti en gestespar la mise en jeu des rouages moteurs les plus fins.

 

     Nous dirons aussi à ces danseurs débutants que les mouvements et déplacements que l'écoute active de la musique les a amenés à réaliser doivent entrer dans un cadre, ne serait-ce que parce que l'on danse à deux (le « meneur » et le « suiveur ») et que les mouvements et déplacements des deux partenaires auront, bien sûr, à être coordonnés le plus harmonieusement possible. Cette coordination harmonieuse passe par une bonne connexion entre les deux partenaires, un ressenti partagé (harmonie du couple). Nous insisterons aussi sur le fait que le Tango argentin est une danse sociale et que, la finalité de son apprentissage étant la pratique en bal, ils auront à tenir compte des quelques contraintes que cela implique en vue de réaliser, avec les autres couples, une circulation fluide du bal : harmonie du groupe (*).

 

 (*Sur ce dernier point, on se reportera avec profit aux précieuses indications de la page "Règles en milonga" du site de la Fondation Villa Urquiza.

 

      Au passage, si nous ajoutons aux deux versions précédentes de ce tango Zorro Gris, celles enregistrées par d'autres orchestres, allant des versions de Roberto Firpo (1920)Carlos Gardel (1921), de Francisco Canaro (1927), de Francisco Lomuto (celle de 1927 - qu'on sera bien sûr tenté de danser canyengue -, et celle de 1941), du Quinteto Don Pancho (1938), d'Enrique Rodríguez (1946), d'Alfredo De Angelis (version chantée de 1952), du Quinteto Pirincho (1957), de Juan D'Arienzo (1973), de Los Muchachos de Antes (1975), de Los Tubatango (sortie en 1994) - qui reprennent toutes deux le style des années 20 -, ou encore les versions de Color Tango (1996), de Miguel Villasboas  (1997), de l'Orquesta El Arranque (1997)de l'Orquesta Típica Imperial (2005) ou de La Tuba Tango (2009) - et nous en oublions ! -, nous aurons un magnifique panorama de l'évolution du style d'interprétation de la musique Tango sur près d'un siècle.

 


 

 

Dernière mise à jour de cette page janvier 2015.